Il était sorti de la salle de bain avec son visage scintillant de pureté. L’eau des ablutions l’enveloppait dans une aura qui lui est si singulière, il ne se séchait jamais, elle ne s’évaporait pas, elle s’absorbait dans sa chair et à chaque fois je le vois avec cette même lueur pénitente, ce rayonnement discret, si délicat. Je le revois avec ce même éclat, l’éclat du jour suspendu sur lui, toute la lumière de la pièce juste sur lui. Il sort de la salle de bain comme s’il sortait du temps et le temps lui-même s’incline sous sa hauteur magnétique. Il était sorti comme chaque fois avec ce visage lumineux d’humilité. Sous cette eau qui le coupait de tout et le portait là où il n’y avait que lui et sa dévotion. Qui le coupait de moi. Elle ne s'évaporait pas, elle s’absorbait dans sa chair. Elle creusait en lui quelque chose de l’indicible, chantier qu’il accueillait et que j’assimilais sans y faire face. Cette eau qui glissait gracieusement sous ses cheveux bouclés, eux-mêmes torsadés dans sa finesse, qui tombait sous sa nuque, filait sur ses avants-bras sur ses coudes et qui restait sur ses lèvres en gardienne incorruptible. Elle m’éblouit dans sa prestance, une valse dont je comprenais le tempo, lente et assurée ; à chaque fois qu’il sortait de la salle de bain, douce et menaçante. Je ne pouvais rien contre ses hostilités. Il radie en elle. Elle l’enchante comme elle me charrie. Il était à cette eau qu’il devait connaître, qu’il ne pouvait connaître sans que notre chemin s’y résorbe. Il était sorti de la salle de bain et l’évidence qu’il la connaîtrait. Il brillait comme à chaque fois et bientôt je devrais me dissoudre dans cette clarté, comme le temps et comme la lumière de cette pièce, me ranger dans les contingences dont il s’était assigné la tâche de dépasser. Il sortait de la salle de bain avec le spectre de sa piété, son visage brillait comme à chaque fois, émanant le contentement et la plénitude.