Je sors ma main par la fenêtre de ce lundi après-midi de vacances, fin juillet. Il pleut et je veux ressentir l’eau sur ma peau et en sortant ma main je pense : ce n’est pas assez, je pense : sortir sans parapluie, sans capuches, plus d’eau sur moi, ma main ce n’est pas assez. Dans un élan de ma mémoire, venu à moi comme une évidence que je ne cherchais ni ne croyais attendre - je ne cherchais que la pluie sur moi et l’attendais à peine plus que sur ma main - le souvenir d’une autre pluie d’été que je n’attendais pas, qui s'abattait sur tout mon corps, que je voyais sur tout le sien, elle se déversait sur nous sans parapluie sans capuche. Je n’attends plus qu’elle. Elle nous avait chassé du parc où nous étions assis. Il devait prendre son train. Il fallait quitter le parc et rejoindre la gare. Une longue marche à pied avant de nous mettre à l'abri. Ma main dépasse ma fenêtre pour être sous la pluie de l’autre été, je n'entends plus qu’elle désormais et je pense : ma main c’est assez. Assez sous cette autre pluie. Elle, je la sens tomber sur ma main et couler partout en moi. Nous l'avons fuit du parc jusqu’à la gare. Ce n’était pas une pluie discrète, nos vêtements et nos cheveux témoignaient de notre cavale sans parapluie sans capuche. Son visage humecté par cette aventure fortuite me réapparaît, la pluie l’a posé sur ma main tendue au ciel. Elle redessine ses boucles brunes qu’il avait tendance à négliger et que j’avais l’habitude d’enrouler entre mes doigts, je le faisais encore quelques heures plus tôt sur l’herbe du parc. Elle redessine son torse que je me revois voir sous son haut manches courtes, imbibé d'eau, collant sa peau. Elle redessine ses lèvres qui me sourient, ses bras qu'il ramène autour de moi. Elle redessine le quai de la gare, le sifflement du départ, cette dernière accolade humide et le train qui l’emmène une deuxième fois.
Il me tourne le dos. Les yeux sur ses épaules, la nuit à l’aube. Son souffle me berce et le sommeil approche et ne m’entraîne pas. Entre le mur et le vide son corps suspendu. Le parfum de ses cheveux seul vient à moi.
La brume. Le laisser. Sentir son cou sans l'enlacer. Sentir ses joues. Ses joues sur mon coussin posées là où demain je poserai les miennes. Ce soir j'ai les yeux sur sa nuque. Sa peau me guette. Je retiens mes doigts. Ne pas faire de vagues. Retenir mes doigts.
Premiers rayons. Je pousse les rideaux. Le retenir. Encore sa nuque. Dernier soupir.
L'écume.
Ce matin comme une sentence sans appel.
Puisque sa voix survit sur ces notes,
C’est que son toucher sur moi a coagulé,
Langui l’humeur, mes sutures élaguées,
S’il faut loucher dans l’azur,
C’est que son sourire a englouti temps mort et différé mes plaies.