Je l’avais attendu une demi-heure sur ce banc. Il portait des lunettes de soleil qu’il poussa sur sa tête avant de me saluer. Dans un concours de finesse, ses yeux m’ont souri avant ses lèvres qui y ont riposté en occupant toute sa mâchoire. Il faisait encore jour.
Sur la terrasse il avait commandé une boisson frappée à la fraise. Il jouait avec la mousse en faisant tourner sa paille méthodiquement. J'observais chaque tour dans son verre, le soleil a dû se coucher entre deux rotations de paille.
Devant le rayon hygiène du supermarché je pense au savon et au gel douche qu’il utilise, la mousse qui caresse ses joues avant le rasage, tout ce qui laisse sur lui cette douceur parfumée, unique. Où va son choix s’il en est un, ou est-ce de sa chaire une réaction chimique. Combinaison secrète et insondable, mon regard vague sur ces étages de produits, l’ambition désespérée d’une traversée, je prie ma mémoire et le hasard, sur ces emballages des étiquettes ou son ombre à portée de main.
Ces vibrations, cet air appesanti, cette verve en vacillation.
Gestes réifiés, immaculés, mis en veille sur cette partition, reprennent forme, se meuvent dans la grâce sans laquelle ils ne sont pas, tracés sans effort, vaguant dans cette mélodie grisée, claire de lui, en boucle - qu'ils me restent partout, ils me restent prescrits.